mercredi 17 octobre 2007
Charles Baudelaire

Bien loin d'ici
C'est ici la case sacrée
Où cette fille très-parée,
Tranquille et toujours préparée,
D'une main éventant ses seins,
Et son coude dans les coussins,
Écoute pleurer les bassins :
C'est la chambre de Dorothée.
- La brise et l'eau chantent au loin
Leur chanson de sanglots heurtée
Pour bercer cette enfant gâtée.
Du haut en bas, avec grand soin,
Sa peau délicate est frottée
D'huile odorante et de benjoin.
- Des fleurs se pâment dans un coin.
Guillaume Apollinaire

Vitam impendere amori
Dans le crépuscule fané
Où plusieurs amours se bousculent
Ton souvenir gît enchaîné
Loin de nos ombres qui reculent
Ô mains qu'enchaîne la mémoire
Et brûlantes comme un bûcher
Où le dernier des phénix noire
Perfection vient se jucher
La chaîne s'use maille à maille
Ton souvenir riant de nous
S'enfuir l'entends-tu qui nous raille
Et je retombe à tes genoux
Le soir tombe et dans le jardin
Elles racontent des histoires
À la nuit qui non sans dédain
Répand leurs chevelures noires
Petits enfants petits enfants
Vos ailes se sont envolées
Mais rose toi qui te défends
Perds tes odeurs inégalées
Car voici l'heure du larcin
De plumes de fleurs et de tresses
Cueillez le jet d'eau du bassin
Dont les roses sont les maîtresses
Ô ma jeunesse abandonnée
Comme une guirlande fanée
Voici que s'en vient la saison
Et des dédains et du soupçon
Le paysage est fait de toiles
Il coule un faux fleuve de sang
Et sous l'arbre fleuri d'étoiles
Un clown est l'unique passant
Un froid rayon poudroie et joue
Sur les décors et sur ta joue
Un coup de revolver un cri
Dans l'ombre un portrait a souri
La vitre du cadre est brisée
Un air qu'on ne peut définir
Hésite entre son et pensée
Entre avenir et souvenir
Ô ma jeunesse abandonnée
Comme une guirlande fanée
Voici que s'en vient la saison
Des regrets et de la raison
jeudi 11 octobre 2007
Louis Aragon

Il n'y a pas d'amour heureux
Rien n'est jamais acquis à l'homme, ni sa force Ni sa faiblesse, ni son coeur. Et quand il croit Ouvrir ses bras, son ombre est celle d'une croix Et quand il croit serrer son bonheur, il le broie Sa vie est un étrange et douloureux divorce Il n'y a pas d'amour heureux |
Sa vie, elle ressemble à ces soldats sans armes Qu'on avait habillés pour un autre destin A quoi peut leur servir de se lever matin Eux qui 'on retrouve au soir désoeuvrés incertains Dites ces mots " Ma vie " et retenez vos larmes Il n'y a pas d'amour heureux |
Mon bel amour, mon cher amour, ma déchirure Je te porte dans moi comme un oiseau blessé Et ceux-là sans savoir nous regardent passer Répétant après moi les mots que j'ai tressés Et qui, pour tes grands yeux, tout aussitôt moururent Il n'y a pas d'amour heureux. |
Le temps d'apprendre à vivre il est déjà trop tard Que pleurent dans la nuit nos coeurs à l'unisson Ce qu'il faut de malheur pour la moindre chanson Ce qu'il faut de regrets pour payer un frisson Ce qu'il faut de sanglots pour un air de guitare Il n'y a pas d'amour heureux |
Il n'y a pas d'amour qui ne soit à douleur Il n'y a pas d'amour dont on ne soit meurtri Il n'y a pas d'amour dont on ne soit flétri Et pas plus que de toi l'amour de la patrie Il n'y a pas d'amour qui ne vive de pleurs Il n'y a pas d'amour heureux Mais c'est notre amour à tous deux |
Paul Verlaine

Il pleure dans mon cœur
Il pleure dans mon cœur Comme il pleut sur la ville ; Quelle est cette langueur Qui pénètre mon coeur ? | |
Il pleure sans raison Dans ce coeur qui s'écoeure. Quoi ! nulle trahison ? ... Ce deuil est sans raison.O bruits doux de la pluie, Par terre et sur les toits ! Pour un coeur qui s'ennuie Oh ! le chant de la pluie ! C'est bien la pire peine De ne savoir pourquoi Sans amour et sans haine Mon coeur a tant de peine ! |
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